Howzit bru ?

Publié le par Gabo

Ecrire a chaud. Ecrire lorsque toutes nos pensees sont encore la bas. Ecrire pour partager ce qui vient de nous transporter , ce qui vient de plonger corps et esprit dans une profonde extase. Surfez et vous saurez. Nous sortons tout juste des eaux de Jeffreys Bay, une derniere vague sous les etoiles. Glisser dans le noir, guide par une lune scintillante dans l'eau. Une session parfaite sur une longue droite qui deroule sur des centaines de metres. A l'eau, tout s'efface, notre tete se vide, aucune pensee ne peut perturber ce moment de bonheur. Toute notre concentration se porte sur un enchainement : ramer, se lever et s'engager. La vague de J-Bay est une autoroute, large et confortable, la vague s'offre a vous. Le chemin est ouvert, une pente reguliere se profile, il ne reste plus qu'a savourer. Notre seule preoccupation est d'adapter sa vitesse et ses mouvements a l'evolution de l'element. Lorsque la vague creuse davantage le tube se dessine devant vous. En calquant sa vitesse sur le deferlement, on peut alors se laisser recouvrir par la levre, visiter le coeur de la vague sans se faire engloutir.
Surfer J-Bay pendant presque une minute est une experience unique. Sortis de l'eau, nos visages rayonnent, l'excitation est palpable. Pendant des heures nous evoquerons ces quelques instants, nous decrirons nos vagues dans les moindres details. Nous parlerons de leur taille, de leur vitesse, de leur forme, de leur evolution, de nos mouvements, de nos visions... Puis nous comparerons J-Bay avec d'autres vagues des quatres coins du monde. Ce sont toujours les memes mots, les memes references, les memes sensations que nous evoquons. Tout a ete dit, et pourtant on ne peut s'en lasser. C'est un moment ou l'on partage son bonheur. Cliquer sur le titre pour lire la suite


Nous avons debute notre periple il y a deux semaines. Partis de Johannesburg, nous avons rejoins Durban, et depuis, nous longeons la cote en direction de Cape Town. Nos camping cars Mercedes Sprinter 5 berth, "Momo" et "Bafana", se suivent comme deux pachidermes en quete d'un point d'eau. Nous nous arretons en front de mer, au gre des spots, la ou nous esperons voir la houle rentrer.
Mes pieds sont deja bien entailles par le recif, mes muscles sont tendus et ma moustache pousse tranquillement. On me surnomme "Mannschaft", car d'apres mes 6 compagnons de voyage j'ai tout d'un germain. Je pourrais passer pour un boer.

L'Afrique du sud est marquee. Les sequelles de l'apartheid se ressentent encore fortement et nous laissent souvent perplexes. Il n'est pas aise de comprendre un pays dote d'une histoire si riche et complexe. Des colons portugais, hollandais, anglais, des tribus, des ethnies, des vagues d'immigres indiens et chinois... Appropriations, expropriations, exterminations, reproductions... Lois raciales infames, segregations, emeutes, bains de sang, reconciliations...
Aujourd'hui les blancs sont riches et les noirs sont pauvres. Les blancs ont des maisons, des voitures, ils jouent au golf ou font du surf. Les noirs surveillent la maison du blanc, ils tondent sa pelouse, marchent le long des routes, gardent nos voitures, vendent des balles de golf sur l'autoroute.
On tape a la porte de Bafana, je descends la vitre : " Hey boss ! I need a job boss ! Do you have a job for me boss ?" Ce type qui m'appelle "boss" avec des yeux implorants doit avoir 50 ans, moi je n'en ai pas encore 24.
Nous sommes sortis deux fois en night club. La premiere fois a Durban nous sommes tombes dans une soiree bien blanche, remplie de blondes decolorees, sosies de Paris Hilton. La seconde fois a Port Elizabeth nous etions les seuls blancs.

Les routes de la Transkei, la cote sauvage, se perdent dans de longues plaines vallonnees aux multiples embouchures. Ces routes nous ont mene a Port Saint Johns. Seuls a l'eau, insousciants, nous profitions des derniers rayons de soleil. Je venais de prendre une belle vague et ramais tout content vers le pic pour rejoindre mes potes. Soudain, a une trentaine de metres, deux ailerons noirs ont surgis hors de l'eau, se dirigeant droit sur moi a pleine vitesse. Une vision de deux secondes qui m'a plonge dans une psychose glaciale. J'ai tente de crier quelque chose comme "on se casse les gars", mais ma voix s'est brisee. Alors que mes comperes prenaient la premiere vague pour filer vers la plage, moi je restais seul, coince dans d'affreux remous, car bien trop a droite dans la baie, la ou les vagues ne deferlaient plus. J'essayais en vain de ramer pour me rapprocher des rochers et trouver un refuge, mais les contre courants et mes jambes integralement crampees et tetanisees m'enpaichaient de m'en tirer si facilement. J'ai bataille 5 bonnes minutes, pensant me faire dechiqueter a chaque seconde, avant de me hisser sur le premier rocher venu. Ces 5 minutes ont ete les plus angoissantes de ma vie.
Sur la plage, nous avons realise, mi soulages, que ces ailerons etaient ceux de dauphins et non de requins !

Surfez en Afrique du sud, vous ressentirez pleinement les forces de la nature. A l'eau on se sent tout petit. Depuis nous saluons regulierement des baleines qui passent paisiblement a moins de cinquante metres de nous, les dauphins nous tiennent souvent compagnie, et hier un phoque s'amusait comme un fou slalomant entre nos planches ! Il y a trois jours, sur terre ferme dans la reserve d'Ado, nous conduisions au beau milieu de hordes d'elephants. 

Apres quelques jours passes entre Cape St Fancis et J-Bay, nous sillonons la cote a nouveau. Buffels Bay, Plettenberg Bay, Victoria Bay. Demain nous serons a Mossel Bay. A chaque arret nous allons voir la plage. Dans le noir nous regardons les vagues deferler, parfois decus, parfois en extase devant les lignes de houle qui s'enroulent autour de la pointe. On reparle surf, on imagine a quoi l'endroit ressemblera demain, a la lumiere du jour.
Sur le ponton, on m'interpelle : "Howzit bru ?" Je vais bien mon frere, merci.

Publié dans Boardculture

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S
C'est un beau sentiment la nostalgie, puisque qu'il n'y a de bonheur que le bonheur passé selon certains.
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G
et oui mon petit brokeback, c'est deja loin tout ca, mais c'etait tellement bon... et putain ca me fout le cafard d'y repenser ! aie aie aie, nostalgie nostalgie...
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S
Que de souvenirs déjà loin et presque déjà oubliés rassemblés en quelques phrases...
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J
Mon imagination s'enflamme en lisant tes lignes sur ces contrées exotiques...Le must serait de faire du surf aux milieux des élephants!
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